À l’hôpital de Laval, les agriculteurs renouent avec le soin
Le dispositif Agricare 53 propose aux agriculteurs mayennais de se rendre une journée au centre hospitalier pour un bilan de santé et de prévention.
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Dans le pâle couloir du sixième étage du centre hospitalier de Laval, Antoine Communie s’immobilise devant une porte en verre dépoli et colle son front sur le seul interstice qui laisse entrevoir l’intérieur de la chambre. Il entre. Son patient l’attend sur le lit du fond. Le dermatologue prend place à côté de la couchette et jette un œil vers la table. Un questionnaire de plusieurs pages, dûment rempli, relate de l’état de santé de Vincent Guillet. Cet éleveur laitier en agriculture biologique, à Craon, a été contacté par la MSA pour prendre part au dispositif « Agricare 53 ».
Le temps d’une journée, des spécialistes de tous horizons sont mobilisés pour accueillir des agriculteurs mayennais et faire avec eux un bilan de santé. « À Craon, on a encore des médecins généralistes mais on n’a plus de dentiste. Là j’avais fait exprès de demander un rendez-vous en dermatologie. Ça doit faire cinq ou six ans que je n’en ai pas eu », confie Vincent Guillet.
Antoine Communie l’interroge sur son métier. Chez les agriculteurs, le principal risque c’est le soleil. Et même face à un public qu’il trouve majoritairement sensibilisé, les rappels sont de mise. « On ne va pas leur dire de ne pas travailler entre midi et 16 heures mais on insiste sur les vêtements pour la protection », explique-t-il. Cette prévention, Vincent Guillet n’a rien contre, il trouve même ça « super ». Pourtant, son médecin, il ne le voit « pas souvent », « tous les deux ou trois ans s’il n’y a pas de soucis ».
Record battu. Dominique Damay n’a pas vu de docteur depuis cinq ans. Alors, « c’était l’occasion ». L’éleveur de volailles de Loué reconnaît qu’autrement il n’aurait certainement pas fait de bilan. À 61 ans, il vient d’apprendre qu’il portera sa première paire de lunettes. Mais sa mine contrariée laisse paraître une autre préoccupation. « Avec la poussière des bâtiments, je sens bien qu’il y a quelque chose au niveau des poumons », explique-t-il. C’est donc un pneumologue qu’il verra ce jour-là.
Plus de médecin depuis deux ans
Quelques chambres plus loin, Véronique et Graziella discutent comme de vieilles amies autour de leurs plateaux-repas. Ce matin, elles ont fait la traite à 6 h avant de partir à l’hôpital, en laissant l’exploitation à leur conjoint. En voyant le mail de la MSA, toutes deux ont sauté sur l’occasion. « Ça fait 17 ans que je suis agricultrice et je n’ai eu qu’une seule visite médicale sur l’exploitation », raconte Véronique Cousin.
Depuis son arrivée à 8 h, elle a déjà réalisé un bilan sanguin, un électrocardiogramme, une analyse d’urine et un bilan des troubles musculosquelettiques. « Sans cette journée, je n’aurais pas pris le temps », avoue-t-elle. Il faut dire que dans sa commune de Peuton, les spécialistes se font rares. « J’avais encore un dermatologue mais il part à la retraite. »
Sa voisine de chambre acquiesce. « Nous, ça faisait deux ans qu’on n’avait plus de médecin généraliste sur Quelaines-Saint-Gault », raconte Graziella Metayer. Elle vient d’en retrouver un avec soulagement. Jusqu’à maintenant, cette migraineuse se faisait prescrire ses médicaments par sa sage-femme. « Comme on n’a pas de suivi au quotidien, c’est quand même bien de faire un bilan. Moi par exemple, mon père a eu un problème cardiaque et c’est génétique », explique la quadragénaire. Dans le creux de son bras, un épais pansement signale sa prise de sang matinale.
Attirer des professionnels
« Ce n’est pas une population réfractaire au soin, du moment qu’on leur en offre », confirme Lise-Marie Pouteau, néphrologue, responsable du projet. Reste à trouver les professionnels. À Laval, il n’y a pas d’université de médecine. Le centre hospitalier universitaire (CHU) le plus proche se situe à Angers. Pas facile alors d’attirer des jeunes médecins voire des étudiants en stage (des internes). « Il y a une vraie méconnaissance de la part de la médecine de ville des territoires ruraux. Quand vous partez d’un CHU, c’est mal vu. Alors il faut travailler sur l’attractivité », poursuit la spécialiste.
Pour cela, elle a misé sur deux ingrédients : de la « pathologie » et de la « recherche clinique ». Les données récoltées dans le cadre du programme doivent alimenter des travaux de recherche sur la population agricole. La formule semble gagnante : « Ça faisait 20 ans qu’un dermatologue n’était pas venu au centre hospitalier de Laval », souligne-t-elle.
Elle compte aussi sur les installations, promet un « super plateau technique » et « des professionnels bosseurs ». « C’est hyper confortable d’avoir les spécialistes à disposition », abonde Margaux Remize, interne en médecine générale auprès de la Dr Pouteau. Cette dernière espère pérenniser et étendre le dispositif. Pour le moment, environ une quarantaine d’agriculteurs ont été reçus et seules 10 % des personnes contactées par la MSA ont répondu.
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